L’école francophone à Berne est sous pression : le Conseil fédéral envisage de couper les subventions pour l’École cantonale de langue française de Berne (ECLF). Pour moi, c’est une situation préoccupante et dangereuse. La capitale fédérale n’aurait plus d’école dans la langue et la culture de Molière.
C’est une évidence : nous devons réagir pour protéger ce symbole du bilinguisme bernois. L’ECLF est un repère culturel qui renforce la diversité de notre ville. Créée dans les années 1940 par des francophones visionnaires pour leurs enfants, elle a évolué grâce à l’engagement de la Confédération, du canton et des autorités locales. Or, supprimer une partie du financement de cette institution historique revient à couper l’un des liens vivants entre Berne et la Romandie.
Un phare pour la communauté francophone
Depuis 1982, l’ECLF est une école publique qui fonctionne dans les mêmes conditions que les établissements francophones du canton de Berne, suivant le Plan d’études romand. En finançant l’ECLF, la Confédération a permis aux enfants de la fonction publique francophone de préserver leur langue et leur culture, renforçant ainsi également la diversité linguistique de la capitale fédérale.
Aujourd’hui, la proposition de réduction de la subvention fédérale, présentée par le groupe d’experts mandaté par le Conseil fédéral, et présidé par Serge Gaillard, menace de réduire cette diversité. Cette coupe toucherait un quart du budget annuel de l’école, une perte insoutenable pour une institution qui fonctionne déjà avec les moyens limités du canton. En bref, sans l’appui fédéral, c’est l’esprit de la Berne bilingue qui s’effritera.
Le bilinguisme, un pont vital pour Berne
Imaginer une Berne sans l’ECLF, c’est comme visualiser une rivière amputée d’un de ses bras. La langue française et la culture romande, présentes au cœur de Berne, donnent du souffle et de la couleur à notre ville. À l’ECLF, quelque 300 enfants grandissent dans un environnement où ils peuvent évoluer en français tout en découvrant les traditions germanophones qui les entourent.
L’ECLF forge ces ponts entre les communautés linguistiques et contribue au tissu social de Berne, en apportant plus de compréhension et de respect entre francophones et germanophones. Ce modèle est un atout inestimable pour notre société. En tant que ville fédérale, nous avons le devoir de conserver cet héritage.
Le bilinguisme est un atout culturel et économique : les administrations fédérale et cantonale ont besoin de main-d'œuvre bilingue. Cela concerne aussi l'économie privée : Berne ne peut tirer parti de son bilinguisme pour attirer des entreprises que si des talents bilingues sont présents sur le marché local. C'est un avantage pour les entreprises actives sur les marchés français et le marché allemand. Le bilinguisme à Berne est donc essentiel, non seulement pour la culture, mais aussi pour l’économie et le marché du travail.
La Confédération a toujours eu la responsabilité de soutenir le bilinguisme bernois, en raison même de sa propre identité plurilingue. En coupant cette subvention, elle envoie un signal inquiétant : la Suisse, autrefois fière de sa diversité linguistique, semble aujourd’hui prête à l’abandonner pour des considérations financières à courte vue.
Appel à la mobilisation pour un bilinguisme durable à Berne
J’appelle toutes celles et ceux qui voient dans le bilinguisme une richesse à réagir et à se mobiliser pour défendre l’ECLF et ce qu’elle représente pour notre ville. Berne est à la fois germanophone et francophone ; la langue de Molière y a sa place, tout comme celle de Goethe. Nous devons affirmer que Berne ne serait pas complète sans sa voix francophone.
Ne laissons pas le bilinguisme bernois s’éteindre – car Berne bilingue, c’est Berne plus forte, plus ouverte, plus solidaire. Ensemble, affirmons notre engagement pour une ville où diversité et compréhension mutuelle prospèrent.
Texte publié dans le journal "Le Temps" du 6 novembre 2024: Berne bilingue: un trésor menacé qu’il faut défendre
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